La NR interdite de stade à Tours : une intolérable atteinte à la liberté de la presse

En excluant vendredi 29 juillet les journalistes de la NR de la tribune de presse du Tours Football Club (Ligue 2), son président Jean-Marc Ettori a créé un lamentable précédent au chapitre de la liberté de la presse dans notre pays. « De mémoire de chroniqueur sportif jamais, en France, des journalistes n’ont été exclus d’un stade, même avec les présidents les plus excessifs », a réagi ce week-end l’Union des journalistes de sport en France (UJSF).

« Jamais, en France, des journalistes n’ont été exclus d’un stade, même avec les présidents les plus excessifs »

Rappelons brièvement les faits. Jean-Marc Ettori n’aime pas les commentaires qui touchent à sa gestion du club signés des journalistes de la NR et le fait savoir à qui veut l’entendre. En mai, nouvel épisode, le club annule son partenariat à la suite du refus de la direction du journal de publier « une pseudo-interview d’un dirigeant dans une page publicitaire », comme le précisait Christophe Hérigault lors de la réunion mensuelle du même mois. Le directeur de la rédaction a toujours montré son soutien à nos confrères sur ce dossier, tout comme Bruno Bécard. Ce dernier était d’ailleurs présent au club jeudi dernier, au côté de Frédéric Launay pour le premier point-presse d’avant-match de la saison. Ces points-presse avaient été annulés par le TFC en fin de saison dernière, en signe de représailles. Pour celle de jeudi, la NR n’avait pas reçu l’habituel mail d’invitation. Le rédacteur en chef comme Frédéric ont été refoulés à l’entrée.

Les trois journalistes de la NR ont été refoulés. Capture d’écran lanr.fr : lire l’article ici

Un palier supplémentaire a donc été franchi vendredi, pour le match contre l’AC Ajaccio : Jean-Eric Zabrodsky et Frédéric Launay, accompagnés et soutenus de nouveau par le rédacteur en chef, ont tous trois été interdits de stade. Jean-Eric a fait un malaise devant l’entrée et, alors que Bruno Bécard était à ses côtés pour son évacuation aux urgences, l’UJSF alertait la Ligue de football professionnel, intervenant auprès de son délégué à Tours qui autorisait Frédéric à accéder à la tribune de presse. C’était sans compter sur l’opiniâtreté de Jean-Marc Ettori, qui a fait évacuer notre confrère par ses services de sécurité.

Après avoir finalement pu s’installer dans les tribunes presse du stade, Frédéric Launay a été reconduit à la sortie. Capture d’écran, article de lanr.fr à lire ici

La section SNJ du groupe NRCO s’associe à l’UJSF, qui dénonce une « attitude d’un autre âge et d’une autre ère » qui représente « une entrave grave à la liberté d’informer dans un état démocratique, mais aussi une violation caractérisée de la convention LFP-FFFUJSF ». Et apporte tout son soutien à nos confrères… qui sauront jeudi prochain s’ils reçoivent cette fois, ou pas, l’invitation pour le point-presse d’avant-match.

>> LIRE AUSSI l’article de L’Equipe : Deux journalistes interdits de stade à Tours

Société anonyme La Nouvelle République : un quart des actions sur le marché

Vous pensiez que Centre France-La Montagne était le principal actionnaire de La Nouvelle République ? Avec ses 16 %, le groupe auvergnat est loin derrière l’association d’actionnaires qui se présente désormais comme détenteur de 25 %.

L’annonce faite par Michel Duterme devant le conseil de surveillance de la NR lundi 28 septembre a dévoilé la position prédominante de l’association (même si elle n’est pas constituée en société) dont il est le président : l’Association de défense des petits actionnaires de la Nouvelle République (ADPANR) regroupe les porteurs de 100.000 actions, soit le quart de ce qui constitue le capital social de la NRCO.

Aujourd’hui, tous les salariés (et désormais pour la plupart retraités) qui ont acheté des actions par le passé, dans l’esprit de ce qui était alors une société anonyme à participation ouvrière (Sapo), n’ont plus la conviction qui les animait du temps de la Sapo, celle d’une cogestion active (lire ci-dessous). Et cela même si aujourd’hui deux représentants des salariés siègent toujours au conseil de surveillance. Et donc plus de raison de garder leurs actions ici plutôt que de les mettre ailleurs… où elles rapporteraient des dividendes, ce qui n’est plus le cas à la NR depuis des années.

Michel Duterme va négocier la vente de ces actions, en un seul lot dit-il, auprès d’investisseurs extérieurs, faute de trouver preneur au sein de l’actionnariat actuel : le groupe Centre France ne semble pas décidé (pour le moment ?) à conforter sa position, alors qu’il possède, outre ses 16 %, la moitié des actions rachetées, par la SAS SofinLoire créée en 2012 (par la NR et Centre France), à de petits actionnaires (16.750 actions, soit 4,10 %) et contrôle celles de la République du Centre (4,293 actions), soit en tout environ 21 %. Prendre les 25 % de l’ADPANR ouvrirait par ailleurs une clause de cession et gonflerait sa facture.

Le Canal NR Historique, qui regroupe divers actionnaires autour de la famille Saint Cricq, dispose de 15 % des actions, mais ne semble pas, selon l’association, en mesure de débloquer le financement nécessaire pour absorber ce gros paquet détenu par l’ADPANR, qui peut se négocier entre 1,3 million d’euros et… 13 millions d’euros (lire ci-dessous).

Un investisseur extérieur deviendrait l’actionnaire de référence

Alors, un investisseur extérieur ? C’est de toute évidence ce qu’espère l’ADPANR, mais le marché de la PQR n’est pas florissant. Reste que la valeur de la société (lire ci-dessous) peut représenter un placement attractif si l’action se négocie un prix raisonnable, ne serait-ce que par la valeur des biens immobiliers. La NR devra alors se satisfaire d’un nouveau partenaire – qui deviendra alors actionnaire de référence – avec tout ce que cela pourrait impliquer au niveau de la représentativité au sein des organes de direction. Et peut-être de mutualisations. C’est en ce dernier domaine que la communauté journalistique peut être concernée, à défaut d’une clause de cession, qui ne se déclenche pas avec 25 %.

La vigilance s’impose et le SNJ vous y aidera. Nul ne peut s’opposer à ce que des propriétaires d’actions transmettent leur bien mais, un journal n’étant pas une société comme les autres, nous espérons que cela ne sera pas à un spécialiste du dégraissage à tout crin, comme c’est malheureusement le cas actuellement au groupe L’Express ou ailleurs.

Avec vous, le SNJ reste très attentif à la suite des événements.

Les actions : il y a valeur et valeur

La valeur nominale de l’action NR est de 13 euros, soit le capital social de 5.316.181 euros, divisé par 408.937 actions. Les 100.000 actions mises en vente sont donc fictivement « cotées » pour 1,3 million. Mais leur valeur est tout autre : un tel paquet peut se négocier à un autre niveau de prix. Pour rappel, Centre France avait acheté, en 2010, son premier paquet de 38.143 actions nouvelles à 167,70 euros l’unité (13 euros plus une prime d’émission), puis le second, en 2012, de 27.304 actions nouvelles à 146,50 euros l’action (toujours 13 euros plus une prime d’émission). La valeur nominale, ce n’est pas la valeur économique : la valorisation des exemplaires, celles des actifs et notamment des bâtiments, et des sociétés détenues (Centre Presse, Presse Portage, NR Com, Puzzle…) la portent toujours bien au-delà de 13 euros. Les Auvergnats, qui ne sont pas philanthropes, n’auraient pas versé les primes d’émission s’ils n’avaient pas estimé juste cette valeur. D’ailleurs dans le dernier papier de la Correspondance de la Presse (2 octobre 2015), l’action est bien évaluée correctement à 130 euros l’unité.

Le temps où la plupart des salariés étaient actionnaires

Qui sont ces petits actionnaires, qui tous ne font pas partie de l’ADPNR ? Pour la plupart, des salariés et des anciens salariés. Il fut un temps où la Nouvelle République était une société anonyme à participation ouvrière (Sapo), telle que voulue par ses pères fondateurs. À cette époque, une grande partie du personnel avait à cœur de répondre à l’invitation de leur organe représentatif, la Société coopérative de main d’œuvre, en achetant des actions pour s’impliquer financièrement et moralement dans la structure participative de leur journal. Les salariés depuis sont, pour la plupart, partis en retraite : lors de l’assemblée générale de 2015, en juin dernier, il ne restait que 11,18 % des actionnaires à être encore salariés. Non plus de leur Sapo, mais de la SA (société anonyme), puisque, sur la demande expresse de Centre France, relayée par la direction de la NR, la société coopérative de main-d’œuvre (SCMO, qui représentait les salariés en assemblée générale du journal avec un pouvoir correspondant 25 % des actions représentées) s’est sabordée en 2009, pour mener à la transformation du statut en société anonyme. Et, selon le souhait du défunt Jean-Pierre Caillard, alors à la tête de Centre France « de permettre [à son] groupe Centre France, comme d’ailleurs à tout autre actionnaire, d’avoir la représentation et le pouvoir de décision à la hauteur de ses engagements ». C’est-à-dire sans les 25 % de voix représentatives attribuées à la SCMO en assemblée générale, en plus des pouvoirs d’actions réelles qui étaient transmis à son représentant. Un pouvoir qui gênait.