Un nouveau journal, d’accord mais avec quels moyens et dans quelles conditions ?

Après l’annonce du plan du directoire pour les cinq ans à venir, marqué par une réduction des effectifs, tous services confondus, de 107 personnes dont 32 journalistes, les sentiments sont partagés entre la perspective d’un nouveau journal, plus intéressant à faire et à lire, et les moyens qui seront donnés pour le réaliser.

Une première constatation s’impose. Entre les deux choix possibles pour contrer le déclin des ressources (ventes et publicité) de la presse écrite, le partenariat financier et de moyens ou la stratégie de repli, c’est bien la seconde solution qui a été privilégiée par le conseil de surveillance sur proposition du directoire. Certains pourront s’en féliciter au nom de  » l’indépendance « , mais le paysage de la PQR actuel montre bien que c’est la première voie qui permet aux titres de se redresser durablement. Dans ce contexte, l’attitude passive du premier actionnaire, le groupe Centre France, et l’inertie du partenariat créé avec lui (Grand Centre) ne cesse d’interroger.

La « gestion du déclin » n’est pas un projet

L’autre constatation, c’est bien qu’une action s’impose pour assurer la pérennité du groupe et des emplois. Même si les ventes affichent de bons résultats depuis que le site est devenu payant (hasard ou évidence ?), elles restent globalement sur le déclin, et la publicité encore plus. Qu’on le veuille ou non, 2 millions d’euros de chiffre d’affaires en moins tous les ans, ce n’est pas rien. Mais la réduction des charges (donc des effectifs) ne doit pas en être le seul levier. On attend du directoire de nouvelles pistes de développement et des perspectives qui entraînent les salariés. La « gestion du déclin » n’est pas un projet.

Maintenant, que faut-il penser des pistes indiquées dans le plan du directoire, sur lesquelles les instances représentatives du personnel vont être amenées à travailler dans les semaines qui viennent ?

D’ores et déjà, une première question se pose, à laquelle la direction se devra d’apporter une réponse rapide : les CDD placés sur des postes structurels (notamment les départs en retraite), censés finir leur contrat au 31 décembre, seront-ils prolongés ? Car enfin, si des ateliers sont annoncés pour réfléchir au prochain contenu, les nouvelles organisations qui vont en découler ne pourront être mises en place dans la précipitation. Quant aux CDD sur des congés maladie ou liés à une maternité, nous n’osons même pas songer que la direction puisse commettre l’erreur de ne pas les prolonger, tant les équipes sont à flux tendu pour produire le journal tel qu’il est aujourd’hui.

Le SNJ se battra pour qu’un maximum de postes soit préservé et sera intransigeant sur la qualité du contenu rédactionnel. Il invite donc l’ensemble des journalistes à participer massivement aux ateliers annoncés, ou à s’appuyer sur leurs représentants syndicaux pour qu’ils portent leurs idées. A nous d’ouvrir les journaux pour y cocher ce dont nous ne voulons plus, comme l’a invité à le faire le directeur de la rédaction. Allons-y gaiement : diminuons l’institutionnel, l’agenda, rayons les partenariats inutiles (et souvent contraires à l’esprit de la charte des journalistes) ! Ajoutons-y de l’enquête, de l’info pertinente et de proximité. Aiguillonnons nos hiérarchies pour qu’elles ne soient pas frileuses dans les choix rédactionnels. Gardons les richesses rédactionnelles qui émaillent déjà nos éditions, mais hiérarchisons-les avec une politique rédactionnelle réellement régionale, et non départementale comme actuellement.

Ne pas se couper du terrain

Il y a avec ces ateliers, espérons-nous, une occasion que beaucoup attendent de faire « un autre journal ». A condition d’en avoir les moyens. L’arrêt de la tourne au SR avec la création d’un ou deux pools donnerait de l’air aux équipes départementales… à effectif constant. Ce ne sera pas le cas, selon le projet du directoire. Le SNJ mettra donc toute son énergie à en réduire les intentions. Comme il s’opposera, aussi, à la fermeture de bureaux extérieurs qui sont autant de points de repères pour nos lecteurs et nos interlocuteurs. Se couper un peu plus du terrain qui nous nourrit, en informations et en abonnements, serait selon nous une erreur stratégique.

Élections de vos représentants : le SNJ a besoin de vous

Les élections des représentants du personnel du groupe NRCO auront lieu en mars. Un renouvellement annoncé qui implique de notre part, élus du Syndicat national des journalistes, un bilan de trois années de mandat et des perspectives pour les prochaines.

Le bilan n’est pas anodin. Dans un contexte économique difficile pour toute la presse, le Directoire applique une politique « austéritaire ». Les effectifs baissent, les salaires stagnent, la charge de travail augmente. Malgré cela, le SNJ estime avoir contribué à au moins deux avancées pendant ce mandat : l’application de la loi concernant le 1er mai (récupéré et payé double, ce qui n’était pas la cas jusqu’ici à la NR), et la signature d’un accord sur les droits d’auteur, bien plus favorable que le précédent, dont la rédaction et la négociation portent largement la marque de notre syndicat.

Pour le reste, il faut bien l’avouer, l’action syndicale n’a pas empêché la dégradation des conditions de travail. Liée à la politique citée plus haut, qui compresse les effectifs, mais aussi à un déficit de reconnaissance du travail accompli et d’offre de perspectives rédactionnelles. On attend de voir si les préconisations du rapport sur la qualité de vie au travail auront un réel effet.

Dans les mois qui viennent, les élus auront du pain sur la planche. D’abord pour éviter que la nouvelle organisation rédactionnelle, annoncée par la direction, ne se traduise pas par une énième dégradation des conditions de travail. Ensuite pour veiller à ce que la qualité du contenu rédactionnel ne pâtisse pas d’une course effrénée à l’info en continu. Ils auront aussi à négocier la grille des fonctions et des salaires qui découlera de cette organisation. 

Face à ces tâches syndicales, on doit vous avouer qu’on manque de troupe, et donc de temps (et vice-versa). On était quatre élus il y a trois ans, on est trois aujourd’hui, c’est trop peu. La syndicalisation ne fait plus recette, dans notre profession comme dans d’autres. On se sent un peu isolé, même avec la meilleure volonté du monde. C’est pourquoi le SNJ lance un appel à ceux qui souhaiteraient s’engager avec lui dans la défense des confrères en particulier, du journalisme en général.

Sans un renfort, nos capacités pourraient vite s’épuiser, notre motivation aussi. Direction et hiérarchie s’en frotteraient probablement les mains, qu’elles auraient un peu plus libres.

Suppression de deux postes de journalistes : une atteinte à la qualité

Deux prochains départs à la retraite de journalistes ne seront pas remplacés, dans l’Indre et dans les Deux-Sèvres, a annoncé la direction, en réunion mensuelle des délégués du personnel début novembre. Encore une fois, c’est au prétexte d’économies que ces choix sont opérés. Ceux qu’on ne va pas économiser, c’est certain, ce sont les journalistes de ces rédactions qui devront travailler plus pour compenser. On ne nous fera pas croire que des correspondants non professionnels, ou des pigistes occasionnels, pourront pallier cette inévitable augmentation de la charge de travail.

En outre, supprimer des postes après avoir dépensé plusieurs milliers d’euros dans une étude sur la qualité de vie au travail, qui a démontré que c’est dans la catégorie des journalistes que la souffrance au boulot, due à la charge de travail, est la plus prégnante, nous semble un choix antinomique, voire contre-productif.

Selon le SNJ, diminuer les effectifs dans les rédactions, revient à diminuer de facto la qualité du contenu rédactionnel. Et, donc, à diminuer nos chances d’enrayer la fuite du lectorat du journal papier. 6.000 exemplaires de moins en un an, et personne pour nous proposer les moyens d’améliorer le contenu. Le seul credo directorial : la plate-forme digitale ! Il nous semble que ce n’est pas tant le support qui compte, mais la qualité de l’information qu’il présente. Et sur ce terrain-là, on attend de réelles propositions.

Hélas, il faut bien constater, au contraire, que l’information que nous publions chaque jour se paupérise. Ce sont moins l’intérêt du lecteur et la hiérarchie de l’info qui président. Mais trop souvent la possibilité de couvrir tel ou tel sujet en fonction des effectifs. Alors on va au plus facile : le fait divers sans mise en perspective, la politique pour caresser dans le sens du poil des collectivités à qui on proposera ensuite des partenariats, l’économie (sans le social) pour plaire à un patronat de qui on espère tirer des subsides. Et on vous épargne les fêtes à Neu-neu, annoncées pleine page pourvu qu’elles accouchent d’une vente en masse.

Où est l’enquête, où est le reportage, où est l’immersion sur le terrain, où sont les pages thématiques, où est la distance journalistique ? Trop peu présents dans nos colonnes. Pour se rassurer, on se dit qu’on les a retrouvés, le temps d’un week-end funeste, après les attentats de Paris et de Saint-Denis. A circonstances exceptionnelles, la rédaction a répondu de la meilleure manière. Parce que c’est le cœur de son métier. Et les lecteurs ont récompensé cet effort.

Cet épisode tendrait à prouver que notre lectorat ne nous abandonne pas par hasard. Qu’il ne nous tourne pas le dos au quotidien en raison de la seule crise économique, ou de la concurrence supposée des canaux numériques. Mais plutôt parce nous ne sommes pas suffisamment au rendez-vous de l’information qu’il attend de nous : diverse, indépendante et pertinente.

La section du Syndicat national des journalistes du groupe NRCO demande donc à la direction de renoncer à ne pas remplacer les prochains départs à la retraite de journalistes. Mais, au contraire, de recentrer son action sur l’amélioration de la qualité de l’information que nous diffusons au quotidien, sur tous les supports. Si c’est son intention, elle aura alors notre concours.